Voyons voir. À l’instar, par exemple des abeilles, les fourmis ont la capacité «d’amplifier» leur intelligence individuelle en profitant d’une intelligence collective qui se crée grâce à leur travail en essaims. Bref, ces insectes sont en mesure de produire un système unifié qui leur permet de résoudre des problèmes complexes et de prendre des décisions d’une meilleure façon grâce à des interactions en groupe. Hélas, les humains n’ont pas cette capacité naturelle, car nous manquons de connexions subtiles qui nous permettraient d’établir entre nous des rétroactions qui sont indispensables pour la création d’un système unifié.

La question demeure: pourquoi une colonie d’insectes est cohérente dans ses décisions et ses actions alors que chaque individu semble autonome? Comment cette auto-organisation est rendue possible? La réponse est simple et relève du phénomène appelé «intelligence en essaim» par les éthologistes et les biologistes. Celui-ci ne fait appel à aucun raisonnement sophistiqué de l’insecte, il résulte plutôt du fruit des interactions de type réflexe entre tous les membres et de la dynamique du système engendré. L’intelligence naissant alors grâce à la collectivité. 

Un exemple concret vous aidera à mieux comprendre le concept. Une étude scientifique a, en effet, permis de démontrer que des fourmis étaient en mesure de choisir, en quelques minutes seulement, le chemin le plus court qui les mène à de la nourriture. En résumé, cet apprentissage sans communication conventionnelle s’explique par le fait que les fourmis laissent derrière elles des phéromones, une molécule qui attire d’autres individus de la même espèce. Les fourmis qui ont choisi, par hasard, le chemin le plus court, reviennent plus vite au nid et retournent aussi plus vite à la nourriture, augmentant d’autant la charge de phéromones dans leur sentier. Ces marqueurs deviennent très rapidement l’aimant le plus puissant pour les autres fourmis qui convergeront vers cette piste, plutôt que vers celle initialement empruntée.

Revenons maintenant aux humains en mentionnant qu’aujourd’hui, grâce à nos réseaux à très haut débit, il est plus facile que jamais de nous connecter les uns aux autres, où que nous soyons dans le monde. Or, si on ajoute dans ces connexions une technologie qui devient un système capable en temps réels de générer des rétroactions pertinentes entre chaque personne, on réussit à créer un essaim humain. Aussi, de plus en plus de plateformes sont développées à cette fin. Elles combinent des interfaces et des algorithmes qui permettent la convergence d’idées et des connaissances humaines de différents groupes, le tout en temps réel. 

Grâce à des études réalisées par des universités renommées, il est démontré que les résultats obtenus en essaim étaient supérieurs à ceux obtenus individuellement, par exemple pour la prévision de résultats financiers ou sportifs. L’Université d’Oxford¹ a même conclu que le «Swarm Intelligence» avait permis d’améliorer de 131 % la précision des prédictions tandis que l’Université de Stanford annonçait une performance comparable en regard de l’exactitude des diagnostics dans le domaine médical.

L’intelligence en essaim et les plateformes qui la rendent accessible aux humains seraient donc une voie à considérer pour prendre les meilleures décisions, peu importe le domaine concerné.

Il s’agit là d’un sujet plus qu’intéressant à suivre, soit la liaison de l’intelligence artificielle avec l’intelligence naturelle, à l’inverse de la première qui remplace la seconde…

À très bientôt,

Bernard

1. Ouvrage disponible sur Oxford Scholarship Online, novembre 2020, ISBN-13: 9780195131581